EURL Bruno VÉROT : Rénovation de la fontaine du Chatelard à Ferney-Voltaire

28
sept.
2020

EURL Bruno VÉROT : Rénovation de la fontaine du Chatelard à Ferney-Voltaire

L’entreprise Bruno Vérot restaure la fontaine à triple bassins de la Ferme du Châtelard

À la demande de la ville de Ferney-Voltaire, en parallèle des travaux réalisés sur la Grange du Châtelard lors de sa transformation en médiathèque, l’entreprise Bruno Vérot a effectué la restauration de la fontaine du Patriarche située dans la cour de cet ancien corps de ferme. Un travail de restauration effectué en collaboration avec les tailleurs de pierre Damien Suchet de Crozet et Étienne Griot de Cluny. Entretien.

Crédit photo/texte : Alexandre Dhordain

Fontaine du Chatelard

 

Vous venez de restaurer la fontaine du Châtelard à Ferney-Voltaire. Quels sont les enjeux d’un tel chantier ? 

Bruno Vérot : Lorsque nous intervenons sur un chantier lié au patrimoine, nous avons toujours le souci de réparer ce qui peut être réparé et de ne remplacer l’existant que si nous y sommes obligés. Le premier enjeu est de dater la construction, puis de trouver les matériaux naturels qui lui permettront de retrouver une nouvelle jeunesse, et surtout de perdurer à nouveau dans le temps. La Fontaine du Châtelard est un magnifique ensemble extrêmement élaboré pour le Fernaix de l’époque, c’est-à-dire 1764. Elle est composée de trois grands bassins dont les deux latéraux étaient destinés aux bétails, le bassin central étant réservé à l’utilisation humaine. Elle a aussi la particularité d’être constituée d’une grande colonne centrale – appelée chèvre dans notre jargon – équipée de quatre goulettes distribuant l’eau de chaque côté, le tout surplombé d’une sphère en pierre. 

Dans quel état était cette fontaine au moment de votre intervention ? 

BV : À première vue, le bassin central constitué de huit blocs de pierre scellés entre eux avec le renfort de grosses agrafes, était la partie la plus endommagée. Les angles - déjà réparés par le passé - avaient beaucoup souffert, et laissaient passer l’eau par endroit. Les bassins latéraux taillés dans un seul bloc étaient en meilleur état, même s’ils avaient été, comme le bassin central, recouverts par différentes peintures chimiques visant à retrouver une certaine étanchéité. Nous avions ensuite un doute sur l’état de conservation de la partie haute de la chèvre, car elle était recouverte par endroit d’une épaisse couche de calcaire laissant présager une fuite déjà ancienne. La suite des opérations nous confirmera son mauvais état. Et enfin, au sommet de la chèvre, la sphère était très endommagée et devait déjà être remplacée par une nouvelle, taillée par Étienne Griot de Cluny. 

Comment se déroule un tel chantier ? 

BV : La première étape vise à retrouver la belle pierre sous les effets du temps. Pour cela, nous procédons par aérogommage. Il s’agit d’une technique moins agressive que le sablage qui consiste à projeter un abrasif naturel à l’aide d’air comprimé à basse pression. Nous utilisons d’abord un sable à gros grains, puis un plus fin pour les finitions. À l’intérieur des bassins, nous avons dû utiliser une disqueuse pour enlever les couches de peinture successives en prenant soin de ne pas endommager la pierre. Une fois les bassins nettoyés, nous avons procédé à la rénovation des angles de la fontaine et de la pierre elle-même en travaillant en touches de piano, c’est à dire élément par élément, pour éviter que les blocs ne se désolidarisent. 

Comment procédez-vous ?

BV : Nous enlevons d’abord les vieilles réparations et les parties abîmées. Une fois la pierre assainie, nous reconstruisons les parties soustraites à l’aide d’un ciment prompt qui est un ciment naturel extrêmement solide et étanche, déjà utilisé au temps de l’Empire romain. Une fois le prompt posé, il faut ensuite intervenir très vite pour lui donner la forme désirée, retrouver les moulures et l’aspect de la pierre bouchardée. Enfin, nous posons un badigeon de la teinte voulu et nous minéralisation le tout avec un produit homologué qui permet de rendre étanche la pierre tout en la laissant respirer.  

Quel a été le travail réalisé sur la chèvre ? 

BV : Après nettoyage de la chèvre par aérogommage, le doute s’est transformé en évidence : la partie supérieure très abîmée devait être remplacée. Nous avons donc découpé cette partie de la colonne faite d’un seul bloc. À la faveur de cette coupe, nous avons pu admirer le travail des anciens qui avaient percé la canalisation à même la pierre sur toute sa longueur, un savoir-faire aujourd’hui perdu. Nous avons ensuite fait appel à un tailleur de pierre local, en la personne de Damien Suchet, installé à Crozet, qui s’est occupé de tailler à l’identique une nouvelle chèvre que nous avons ensuite repositionnée et scellée.

Comment recrée-t-on une telle pièce ?   

Damien Suchet : il fallait déjà trouver le bloc de pierre de la bonne dimension capable de résister au perçage de quatre sorties pour les goulettes et d’un trou de 200 mm de diamètre pour accueillir la nouvelle tuyauterie. J’ai choisi une pierre d’Hauteville qui est très proche de celle utilisée à l’époque. J’ai préparé mon gabarit en m’inspirant de l’ancienne chèvre, tracé mes biais et retrouvé la forme originale. Pour la finition, comme toujours en matière de restauration, j’ai bouchardé à la main les huit faces de la colonne afin d’obtenir une surface rugueuse presque semblable à l’original. « Presque » puisqu’à l’époque la boucharde utilisée – le marteau des tailleurs de pierre - était de 144 dents, alors qu’aujourd’hui les bouchardes les plus fines ne sont faites que de 100 dents. Pour atténuer le bouchardage, j’ai appliqué un léger sablage sur l’ensemble. Le tout a représenté environ 25 heures de travail.